**Abhinavagupta et la reconnaissance du Soi : Une exploration du shivaïsme cachemirien**
Le shivaïsme cachemirien, une tradition non-dualiste profondément enracinée dans la philosophie indienne, trouve en Abhinavagupta (Xe-XIe siècle) l'un de ses plus grands maîtres et synthétiseurs. Philosophe, poète et mystique, il a écrit de nombreux textes fondamentaux, parmi lesquels le *Pratyabhijñāhṛdayam* (le « Cœur de la reconnaissance »). Ce texte offre une clé essentielle pour comprendre la notion de **reconnaissance du Soi** (Pratyabhijñā), au cœur de cette école spirituelle.
**La reconnaissance du Soi : une redécouverte de sa nature divine**
Dans le shivaïsme cachemirien, la reconnaissance du Soi est l'expérience directe et immédiate que notre essence individuelle (*ātmā*) est une expression parfaite de la conscience universelle (*Śiva*). Contrairement à d'autres traditions où l'illumination nécessite une séparation de l'ego ou une transcendance laborieuse, la Pratyabhijñā soutient que l'éveil est une **reconnaissance** de ce qui a toujours été là.
Abhinavagupta insiste sur le fait que l'ignorance (*avidyā*) n'est qu'un voile temporaire, une fausse perception qui nous fait croire que nous sommes séparés de la réalité ultime. Lorsque ce voile est levé, par la grâce ou par des pratiques telles que la méditation, la contemplation ou l'auto-questionnement, nous réalisons que nous avons toujours été Śiva, la pure conscience universelle.
**L'union de Śiva et Śakti : le dynamisme créateur**
L'une des contributions majeures d'Abhinavagupta est sa description de l'union entre **Śiva** (conscience pure et immobile) et **Śakti** (son pouvoir dynamique et créateur). Cette union n'est pas une relation externe, mais une polarité intérieure. La reconnaissance du Soi implique la compréhension que notre propre conscience (Śiva) et nos actions, pensées et désirs (Śakti) sont les manifestations de cette même réalité. Le monde, loin d'être une illusion à rejeter, devient alors un terrain sacré où se manifeste le jeu divin (*līlā*).
**Reconnaissance et libération**
Pour Abhinavagupta, la libération (*moksha*) ne réside pas dans un abandon du monde ou dans une quête austère, mais dans une reconnaissance joyeuse et immédiate de la présence divine en soi et en tout. Cette vision est à la fois optimiste et profondément intégrative, car elle invite à voir le divin dans les expériences quotidiennes, même dans ce qui est perçu comme profane ou banal.
**Actualité de la Pratyabhijñā**
La reconnaissance du Soi telle qu'exposée par Abhinavagupta est une source d'inspiration pour de nombreux chercheurs spirituels modernes. Elle invite à dépasser les dualités (intérieur/extérieur, divin/humain) et à embrasser une vision de l'univers où tout est conscience, tout est sacré.
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