Open menu
Dzogchen

Question : Quelles différences existe-t-il entre la Réalité Ultime dans le bouddhisme et la Réalité Ultime dans l'Advaita Vedanta ?

Réponse : La Réalité Ultime dans le bouddhisme et l'Advaita Vedanta représente un concept de vérité profonde et de libération, mais ces deux traditions abordent la nature de cette réalité de manière différente. Voici les principales différences :

1. La Nature de la Réalité Ultime

  • Bouddhisme : Dans la majorité des écoles bouddhistes, la Réalité Ultime est vue comme śūnyatā (vacuité). Cela signifie que tous les phénomènes, y compris le soi, sont vides d’essence ou de nature propre. La vacuité est souvent interprétée comme une absence d’identité permanente, indiquant que tout existe de manière interdépendante, changeante et sans noyau fixe. Il n'existe aucune entité indépendante ou absolue.
  • Advaita Vedanta : En revanche, la Réalité Ultime dans l’Advaita Vedanta est appelée Brahman, l'absolu ou l’ultime vérité. Brahman est perçu comme une conscience immuable, infinie et sous-jacente à toute existence. Il est considéré comme la seule réalité véritable et éternelle, au-delà du temps, de l’espace et de la causalité. Contrairement à la vacuité bouddhiste, Brahman est affirmé comme ayant une nature propre (svarupa) qui est pure conscience.

2. Le Concept du Soi

  • Bouddhisme : Le bouddhisme enseigne le concept d’anatta (non-soi), selon lequel il n’existe aucun soi permanent ou âme individuelle. La croyance en un soi éternel ou en une âme individuelle est vue comme une illusion (ou ignorance) qui mène à la souffrance. Pour cette raison, la réalisation de la vacuité inclut l’abandon de toute conception d’un moi permanent.
  • Advaita Vedanta : En Advaita, le soi (Atman) est considéré comme identique à Brahman, la Réalité Ultime. L’Atman est la conscience individuelle, qui, lorsqu’elle est libérée de l’illusion et de l’identification avec le corps et l’esprit, est reconnue comme étant identique à la conscience universelle (Brahman). Pour l’Advaita, la réalisation de cette identité entre Atman et Brahman constitue l’éveil.

3. L'Approche Métaphysique

  • Bouddhisme : La métaphysique bouddhiste est souvent apophatique, ou "négative", en ce sens qu’elle décrit la Réalité Ultime en termes d’absence : absence de soi, absence d’essence, absence de dualité. Les enseignements bouddhistes, notamment dans le Madhyamaka, emploient des méthodes dialectiques pour déconstruire toute notion de réalité substantielle, même celles concernant la Réalité Ultime, pour éviter de fixer une conception d’essence absolue.
  • Advaita Vedanta : L’Advaita est plus "cataphatique," c’est-à-dire affirmative dans sa description de la Réalité Ultime. Brahman est souvent décrit comme sat-chit-ananda (existence-conscience-béatitude), ce qui confère une qualité positive à cette réalité ultime. Bien que Brahman soit également au-delà des mots et des concepts, il est décrit comme ayant une nature positive de pure conscience.

4. La Voie de la Libération

  • Bouddhisme : Dans le bouddhisme, la libération (nirvana) survient lorsque l’on réalise la vacuité de tous les phénomènes et que l’ignorance (avidyā), ou attachement aux phénomènes comme réels et permanents, est dissoute. La pratique inclut la méditation, la moralité, et la sagesse, visant à éliminer les concepts illusoires et à transcender l’attachement au soi et au monde.
  • Advaita Vedanta : La libération (moksha) en Advaita Vedanta est l’expérience directe de l’identité entre Atman et Brahman. Elle survient par la discrimination entre le réel (Brahman) et l’irréel (le monde phénoménal) et la dissolution de l’ignorance (avidyā) par la jnana (connaissance). En réalisant que toute dualité est une illusion, le pratiquant atteint l’unité de conscience avec Brahman, un état de paix et de béatitude.

5. Conception du Monde Phénoménal

  • Bouddhisme : Le bouddhisme voit le monde phénoménal comme conditionné et impermanent. Ce monde n’a pas de réalité intrinsèque, mais il n’est pas considéré comme une illusion au sens strict ; il est "vide" mais apparaissant, existant de manière interdépendante.
  • Advaita Vedanta : L’Advaita considère le monde phénoménal comme maya, une illusion ou superposition qui voile la Réalité Ultime. Maya est temporaire et apparente, sans réalité absolue, et est transcendée lorsque l’adepte réalise Brahman. En d’autres termes, le monde apparaît, mais il n’a pas de réalité en dehors de Brahman.

Conclusion

En somme, bien que le bouddhisme et l'Advaita Vedanta partagent des points de convergence autour de la non-dualité et de la libération, ils diffèrent dans leurs conceptions de la Réalité Ultime : le bouddhisme la conçoit comme vacuité, sans essence, tandis que l’Advaita la voit comme conscience pure, éternelle et essentielle.

La première question concerne la vacuité dans le Madhyamaka en comparaison de la vacuité dans le Dzogchen. [སྟོནག་པངཉིད། est la vacuité] ...

Question : Est-ce que སྟོང་པ་ཉིད་ (la vacuité) au sens du Madhymaka et སྟོང་པ་ (le vide) au sens du Dzogchen ont exactement la même signification ?

Réponse :

Les termes stong pa nyid (སྟོང་པ་ཉིད་) dans le Madhyamaka (voie du « juste milieu ») et stong pa (སྟོང་པ་) dans le Dzogchen (voie de la « Grande Perfection ») renvoient effectivement à des concepts liés, mais leur signification diffère en fonction des perspectives philosophiques et pratiques propres à chaque tradition.

  1. Dans le Madhyamaka :
    • Stong pa nyid signifie « vacuité » (śūnyatā en sanskrit), qui désigne la nature ultime des phénomènes, leur absence d’existence inhérente. Pour le Madhyamaka, cette vacuité est perçue comme une absence de soi, de nature propre ou de substance permanente dans tous les phénomènes, y compris le « soi ». C’est une approche fondamentalement négative, visant à déconstruire toute idée d’existence intrinsèque.
    • La vacuité dans le Madhyamaka se comprend en relation avec l’interdépendance : rien n’existe indépendamment, et c’est cette dépendance même qui rend tout phénomène « vide ». L’objectif est d’atteindre une compréhension purement intellectuelle et expérientielle de cette vacuité, sans qu’elle implique quoi que ce soit de positif ou de substantiel.
  2. Dans le Dzogchen :
    • Stong pa, tel qu’il est utilisé dans le Dzogchen, se réfère aussi à une forme de vacuité, mais elle est vécue différemment. Le Dzogchen ne s'arrête pas à l’aspect de négation (absence d’existence propre) mais met aussi l'accent sur la nature lumineuse et primordiale de l’esprit, appelée rigpa (རིག་པ་).
    • La vacuité du Dzogchen est une vacuité inséparable de la clarté, une vacuité « pleine » d’une conscience immédiate, auto-manifestée, libre de toute élaboration conceptuelle. Dans cette approche, la vacuité n’est pas simplement absence mais inclut aussi l’expérience directe de la nature fondamentale de l’esprit, qui est au-delà de toute conceptualisation.

En résumé, bien que les deux termes renvoient à l'idée de vacuité, la vacuité du Madhyamaka est plutôt une absence d'existence propre, alors que celle du Dzogchen inclut la dimension positive de la clarté inhérente de la conscience primordiale. Dans le Dzogchen, la vacuité est donc indissociable de l’expérience de rigpa et est perçue non seulement comme absence, mais comme présence lumineuse et consciente.

Question :

Puisque dans le Dzogchen la vacuité est indissociable de la présence lumineuse, peut-on alors affirmer que le Dzogchen est plus proche de vue de l'Advaita Vedanta que de celle du Madyamaka ?

Réponse :

La comparaison entre le Dzogchen et l'Advaita Vedanta est en effet intéressante, car il existe des ressemblances dans la manière dont ces deux traditions abordent la nature ultime de la réalité. Dans les deux cas, on trouve l'idée d'une réalité fondamentale non-duelle, qui est lumineuse et consciente, ce qui les distingue quelque peu de l’approche du Madhyamaka. Cependant, il existe aussi des différences importantes.

Similarités entre Dzogchen et Advaita Vedanta

  1. Non-dualité de la Conscience :
    • Dans le Dzogchen, l’expérience de la vacuité inclut une dimension de « clarté » ou de « luminosité » (od gsal) qui est associée à la conscience primordiale (rigpa). Cette vacuité lumineuse est directement reconnue comme étant la nature fondamentale de l’esprit.
    • Dans l’Advaita Vedanta, la réalité ultime est le Brahman, qui est à la fois pure conscience (cit) et félicité (ānanda). Cette conscience est également perçue comme la nature essentielle de l’individu (l’âtman), qui est identique à Brahman.
  2. Présence immédiate et auto-manifestée :
    • Dans le Dzogchen, rigpa est une présence immédiate, une conscience auto-manifestée qui ne dépend pas de conditions extérieures. Elle est perçue comme toujours présente, au-delà de l’intellect et des concepts.
    • De manière similaire, l’Advaita Vedanta considère que le Soi (âtman) est toujours présent et auto-réalisé, n’étant obscurci que par l’ignorance ou les voiles de l’illusion (māyā). Une fois cette ignorance dissoute, l’individu réalise que son essence est identique au Brahman, au-delà de toute dualité.

Différences importantes entre Dzogchen et Advaita Vedanta

  1. Perspectives sur le monde phénoménal :
    • Dans l’Advaita Vedanta, le monde est souvent considéré comme une illusion (māyā) en comparaison avec la réalité absolue de Brahman, qui est seule véritable. Cette vision peut tendre à minimiser ou relativiser la réalité des phénomènes.
    • Le Dzogchen, bien que voyant aussi les phénomènes comme des apparences illusoires, insiste sur l’indissociabilité de la vacuité et des formes. Les apparences sont considérées comme des manifestations naturelles de rigpa, et non comme quelque chose à rejeter. Les phénomènes ne sont pas niés, mais reconnus dans leur insubstantialité, en tant qu'expressions spontanées de la nature primordiale.
  2. Absence de permanence substantielle dans le Dzogchen :
    • Dans l’Advaita, Brahman est vu comme une réalité absolue, permanente et immuable. Cette notion de permanence est fondamentale dans la tradition.
    • Le Dzogchen, influencé par la perspective bouddhiste, ne reconnaît pas de substrat permanent ou d’existence absolue, même dans le concept de rigpa. La vacuité dans le Dzogchen reste en accord avec l’idée que rien n’a d’existence intrinsèque ou permanente, même pas la conscience primordiale. Rigpa est une reconnaissance immédiate et spontanée, mais elle n'est pas substantiellement réelle au sens d'une essence fixe ou éternelle.

Comparaison avec le Madhyamaka

Le Dzogchen partage avec le Madhyamaka l’affirmation fondamentale de la vacuité, mais il en propose une expérience immédiate et directe. Dans le Madhyamaka, il s’agit surtout de comprendre la vacuité des phénomènes par une analyse intellectuelle rigoureuse, conduisant à une déconstruction de toute notion d’existence inhérente. Le Dzogchen va au-delà en insistant sur l’expérience directe de cette vacuité comme étant inséparable de la clarté, alors que le Madhyamaka traditionnel reste dans un cadre essentiellement philosophique et n'aborde pas cette dimension de clarté lumineuse.

Conclusion

On peut dire que le Dzogchen semble plus proche de l'Advaita Vedanta dans son insistance sur la nature lumineuse et consciente de la réalité ultime. Cependant, les différences fondamentales dans la façon de concevoir la réalité ultime (absence de permanence dans le Dzogchen contre l'absolu permanent du Brahman) et l'attitude envers les phénomènes (Dzogchen les voit comme des manifestations spontanées plutôt que comme une simple illusion) montrent que ces deux approches ne sont pas identiques.

Ainsi, si le Dzogchen peut sembler plus proche de l’Advaita Vedanta que du Madhyamaka en raison de la dimension expérientielle de la conscience non-duelle, il maintient une différence essentielle : l'absence de toute substance fixe ou permanente même dans la réalité ultime, restant ainsi fidèle à la notion bouddhiste de vacuité.


Question : Nirguna Brahman ayant la qualité d'être nirguna, est donc saguna. Il y a donc paradoxe ?

Réponse: Votre question touche un point subtil et profond de la philosophie de l’Advaita Vedanta, où des concepts apparemment contradictoires comme nirguna (sans attributs) et saguna (avec attributs) coexistent dans la compréhension de Brahman. Examinons cela en détail pour clarifier :

1. Nirguna Brahman : sans attributs

  • Définition :
    Nirguna Brahman est décrit comme la réalité ultime, absolue, au-delà de tous les attributs (guṇas), concepts ou qualifications. Il transcende les dualités du monde phénoménal, y compris celles de "qualité" et "absence de qualité".
    • Brahman est au-delà de toute description : "neti neti" ("ni ceci, ni cela").
    • Il est Sat (Être), Chit (Conscience) et Ānanda (Félicité), mais même ces termes sont considérés comme des pointers plutôt que des descriptions exhaustives.

2. Saguna Brahman : avec attributs

  • Définition :
    Saguna Brahman est Brahman perçu avec des attributs ou des qualités, souvent décrit comme le Seigneur (Īśvara) ou le Dieu personnel, manifesté dans le monde phénoménal.
    • Saguna Brahman est une conceptualisation utile pour les dévots et les méditants qui ont besoin d’un support pour la pratique spirituelle.
    • C’est Brahman dans le contexte de māyā, la puissance créatrice, qui permet la manifestation de l’univers.

3. Apparente contradiction

À première vue, il semble paradoxal que Nirguna Brahman, censé être sans attributs, puisse "avoir" une qualité comme celle d’être nirguna. Ce paradoxe peut être compris en examinant la distinction entre la réalité ultime et la réalité relative :

  1. La qualité "nirguna" est négative, non positive :
    • Dire que Brahman est "nirguna" ne signifie pas qu'il "possède" cette qualité au sens où une entité possède un attribut. Cela signifie plutôt que Brahman transcende toutes les qualités imaginables.
    • Être nirguna n'est pas une "qualité" comme les guṇas du monde phénoménal (sattva, rajas, tamas), mais une négation de ces limitations.
  2. Nirguna et saguna comme deux points de vue :
    • Nirguna Brahman est la réalité ultime, connue dans un état de réalisation non-duelle, où toutes les distinctions entre sujet et objet s’effacent.
    • Saguna Brahman est la même réalité perçue depuis le point de vue du monde relatif, où Brahman semble agir, créer, et entretenir des relations avec le monde.
    • Ainsi, Saguna Brahman n’est pas différent de Nirguna Brahman. Saguna est une apparence ou un aspect lié à la superposition illusoire (māyā).
  3. Le langage limité :
    • Toute tentative de décrire Brahman, qu’il soit nirguna ou saguna, est limitée par le langage et le mental humain. Ces concepts sont donc des outils pédagogiques pour approcher une réalité qui, en soi, est au-delà des mots.

4. Résolution du paradoxe

Le "paradoxe" s’éclaire par l’approche non-duelle de l’Advaita Vedanta :

  • Nirguna Brahman apparaît comme Saguna Brahman dans le contexte du monde phénoménal.
  • Lorsque la réalisation spirituelle transcende le mental et les concepts, il est vu qu’il n’y a jamais eu de division réelle entre nirguna et saguna. La distinction est une construction mentale, utile pour la pédagogie spirituelle, mais elle s’efface dans l’expérience directe.

Adi Shankaracharya, le fondateur de l’Advaita Vedanta, explique cela ainsi :

  • À un niveau relatif, Saguna Brahman est vénéré et adoré comme une manifestation accessible.
  • À un niveau absolu, seule la pure conscience non-duelle (Nirguna Brahman) est réelle.

Conclusion : y a-t-il vraiment paradoxe ?

Le paradoxe n’est qu’apparent et découle des limitations du mental et du langage humains lorsqu'ils tentent de décrire l'indescriptible. La qualité "nirguna" n’est pas une qualité au sens ordinaire, mais une négation des attributs limitants. Saguna et Nirguna Brahman ne sont pas deux réalités différentes, mais deux façons de percevoir la même réalité ultime selon le niveau de compréhension.

Suchness et L'État Naturel :

དེ་ཁོ་ན་ཉིད། est-il présent dans གནས་ལུགས། ?

Réponse :

Oui, དེ་ཁོ་ན་ཉིད། (de kho na nyid, "telle-quité" ou "ainsité") est intrinsèquement présent dans གནས་ལུགས། (gnas lugs, "l'état naturel"), car les deux notions pointent vers une même réalité ultime, bien que sous des perspectives légèrement différentes. Voici comment ces concepts sont reliés :

1. Relation essentielle entre les deux notions :

གནས་ལུགས། (l'état naturel)

  • Dans le Dzogchen, གནས་ལུགས། désigne la manière dont les choses existent fondamentalement, sans construction mentale, libre des altérations conditionnées, et manifestant leur pureté primordiale (ka dag, ཀ་དག་) et leur spontanéité (lhun grub, ལྷུན་གྲུབ་).

དེ་ཁོ་ན་ཉིད། (telle-quité)

  • Ce terme exprime la nature intrinsèque et immuable des choses, leur vérité ultime dépouillée de toute interprétation conceptuelle. La "telle-quité" est souvent utilisée pour décrire le mode exact de la réalité, qui n’est ni autre que le mode naturel des choses.

2. Présence de དེ་ཁོ་ན་ཉིད། dans གནས་ལུགས། :

  • Union indissociable :
    Dans le Dzogchen, གནས་ལུགས། inclut directement དེ་ཁོ་ན་ཉིད།, car l’état naturel (གནས་ལུགས།) est précisément la reconnaissance de la telle-quité des choses. Il s'agit d'une reconnaissance directe et non-conceptuelle de la manière dont tout phénomène apparaît et existe en essence.
  • Clarté de l’expérience :
    Lorsqu’un pratiquant demeure dans གནས་ལུགས།, il expérimente དེ་ཁོ་ན་ཉིད། en tant que pureté primordiale (libre de souillures conceptuelles) et en tant qu’auto-manifestation spontanée (rang byung rol pa, རང་བྱུང་རོལ་པ་). Cela révèle la nature ultime des phénomènes, telle qu’elle est, sans distorsion.

3. Différence de perspective :

Bien que གནས་ལུགས། et དེ་ཁོ་ན་ཉིད། désignent des aspects complémentaires de la réalité ultime, on pourrait les différencier ainsi :

  • གནས་ལུགས། met l’accent sur le mode naturel de l’existence en tant que totalité dynamique (vacuité et clarté inséparables).
  • དེ་ཁོ་ན་ཉིད། insiste sur l’essence ultime, dénudée de tout ajout, en tant qu'état pur et non élaboré.

Dans la pratique Dzogchen, ces deux termes ne sont pas distincts mais se complètent pour décrire une seule réalité inexpressible.

4. Synthèse :

དེ་ཁོ་ན་ཉིད། est absolument présent dans གནས་ལུགས།, car la "telle-quité" est un aspect essentiel et inhérent à l'état naturel. Ces concepts pointent ensemble vers la reconnaissance directe de la nature ultime, où tout est vu tel qu'il est, dans sa clarté lumineuse et sa vacuité inséparable.

 

Ou vu sous un autre angle :

La réalisation de "Suchness" induit-elle nécessairement celle de l'"État Naturel" ?

 

La réalisation de la "Suchness" (tathatā en sanskrit, དེ་ཁོ་ན་ཉིད། en tibétain) peut induire celle de l’État Naturel (gnas lugs, གནས་ལུགས།) dans un contexte non-duel, mais cela dépend de la perspective spirituelle et du niveau de compréhension impliqués. Voici une analyse de leur interrelation :

 

1. Ce que signifie "Suchness" (Tathatā)

  • Suchness désigne la nature ultime des choses, leur réalité telle qu’elle est, dépourvue de toute élaboration conceptuelle ou dualité. Elle révèle la vérité fondamentale au-delà des apparences relatives.
  • C’est une reconnaissance directe de la vacuité (śūnyatā) inséparable de l’apparition lumineuse ou claire.

Dans le bouddhisme, réaliser la "Suchness" revient à transcender toutes les conceptualisations et à voir directement la nature ultime des phénomènes.

 

2. Ce que signifie "État Naturel" (Gnas Lugs)

  • L’État Naturel dans le Dzogchen est la reconnaissance de la nature fondamentale de l’esprit, souvent décrite comme l’union de la pureté primordiale (ka dag, ཀ་དག་) et de la manifestation spontanée (lhun grub, ལྷུན་གྲུབ་).
  • Il s'agit de demeurer dans un état de présence non modifiée, libre de tout effort ou de toute fabrication mentale.

 

3. La relation entre "Suchness" et "État Naturel"

Similitudes

  • Les deux notions renvoient à la même réalité ultime, mais sous des angles différents. La "Suchness" met l’accent sur la nature des phénomènes (réalité objective), tandis que l’État Naturel inclut aussi la reconnaissance de l’esprit en tant que nature éveillée (réalité subjective et objective unifiées).
  • Dans les deux cas, il s'agit d'une expérience directe, non conceptuelle, de la vérité ultime.

Différences

  • Suchness est souvent abordée dans un cadre général bouddhiste (Madhyamaka, Prajñāpāramitā), où elle est définie comme la nature des phénomènes vue à travers la vacuité.
  • L’État Naturel, propre au Dzogchen, inclut une dimension plus holistique et dynamique, en soulignant l’union inséparable de la vacuité et de la clarté lumineuse.

 

4. La réalisation de "Suchness" induit-elle celle de l’État Naturel ?

Oui, potentiellement, si :

  • La réalisation de la "Suchness" est complète et inclut la reconnaissance de l’esprit lui-même comme étant de même nature que les phénomènes. Autrement dit, si l’on reconnaît que la vacuité objective (śūnyatā) et la clarté subjective (prabhāsvarā) sont inséparables, alors cette réalisation est équivalente à celle de l’État Naturel.
  • Cette reconnaissance non-duelle est décrite dans le Dzogchen comme la vue ultime, où l’état naturel est directement expérimenté.

Non, pas nécessairement, si :

  • La réalisation de la "Suchness" reste limitée à une compréhension conceptuelle ou analytique, ce qui est parfois le cas dans certaines approches Madhyamaka où l’accent est mis sur la réfutation logique des élaborations conceptuelles.
  • Si la "Suchness" est perçue comme une vacuité abstraite ou séparée des apparences, cela n’inclut pas l’expérience directe de l’État Naturel tel qu’il est enseigné dans le Dzogchen.

 

5. Synthèse

  • La réalisation de la "Suchness" peut induire celle de l’État Naturel, si elle est pleinement intégrée dans une perspective non-duelle, où vacuité et clarté sont inséparables.
  • Cependant, l’État Naturel du Dzogchen va souvent au-delà de la simple réalisation de la vacuité pour inclure une expérience directe et spontanée de la plénitude dynamique de la réalité.
  • En ce sens, le Dzogchen considère la "Suchness" comme un aspect de l’État Naturel, mais insiste sur une reconnaissance plus globale et immédiate de la nature ultime de l’esprit et des phénomènes.

Ainsi, bien que reliées, les deux notions peuvent représenter des niveaux ou des perspectives différentes de réalisation spirituelle.