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Purifier l’inconscient pour être soi ?

Il est souvent question dans les voies spirituelles de nettoyer son inconscient des tendances latentes (samskaras) qui n'ont pas attendues Freud pour être connues depuis des millénaires en Inde. Mais est-ce nécessaire, indispensable? On peut se le demander quand on lit des lignes sublimes comme :

"La Voie est simple, limpide, comme une goutte de rosée perlant sur la feuille du grand banian. Parler de « Voie » est sans doute excessif, puisqu’il ne s’agit guère de cheminer ; mais seulement de se rendre compte qu’il n’y a rien à chercher, car tout est déjà là, ouvert et sans fard… comment, me direz-vous ?"

Pourtant, si nous entrevoyons de temps en temps l'état inconditionné de la conscience, nous sommes le plus souvent au prise avec des tendances inconscientes qui mènent la danse souvent à notre insu. Si tel est le cas, un travail intérieur semblerait utile. La vision de la non-dualité ne s'arrête pas à ces considérations laborieuses psychologiques, ce qui n'implique pas forcément qu'elle les déconseille. Viser le plus pur, le plus sublime est une inspiration précieuse, dans une société sans âme. Et de fait, cela nous aidera à mettre de l'ordre dans notre réservoir à impressions latentes (Chitta) en nous rappelant que l'Essentiel n'est pas de purifier quoi que ce soit, mais nous rendre compte que tout est déjà accompli et parfait da capo comme on dit en musique, dès le commencement.

Comment cela pourrait se passer, en pratique?

Nous cherchons des objets et "cela", la nature de Bouddha, n’est pas dans le domaine objectif.
Dire que cela est Sujet, c’est mieux, mais sans doute prête aussi à quelques déviations de compréhension : le sujet, pour nous, c’est « moi », n’est-ce pas… et là, il ne s’agit pas de moi, surtout pas ! car ce sujet –là est complètement impersonnel.

Alors, une fois que l’on a objectivé son moi, c’est-à-dire pris conscience des aspects visibles, perceptibles de notre personnalité, nous constatons que notre sujet est devenu bien impalpable, que l’on ne peut pas en dire grand chose. Autrement dit, que reste-t-il de notre moi, une fois que nous avons mis devant notre champ perceptif, tous les éléments que nous pouvons penser, dont nous pouvons parler… en fait, tout en écrivant ces lignes, j’ai subitement conscience que la personnalité n’est pas uniquement composée de traits visibles, mais qu’elle se nourrit de racines non perceptibles, inconscientes, autrement dit.

Et quelles sont-elles, ces racines inconscientes ? Comment prennent-elles formes manifestées ?

Par évocation du présent, par analogie de la situation. Elles naissent spontanément. C’est aussi en cela que nous n’avons guère de libre arbitre. C’est également pour cela qu’un travail de mise à nu est imposé par beaucoup d’instructeurs spirituels. On est libre de ce que l’on connaît. Il faut donc évoquer les situations passées qui n’ont pas cicatrisé. Comme beaucoup de traumatismes concernent la famille, la maman en premier lieu, le papa en second, qu’ils soient présents ou pas, d’ailleurs, les frères et sœurs… la nourrice, la gardienne, les proches, les familiers… les instituteurs et professeurs… bref, tous les gens qui de près ou de loin sont intervenus dans la vie affective de l’enfant, on part à la recherche des situations de la prime enfance susceptibles d’avoir marqué la jeune affectivité, et on fait prendre conscience au sujet de la causalité pour lui insoupçonnable à l’époque. Ainsi peut-il comprendre les tenants et les aboutissants et libérer de lourds pends de souffrance.

Mais est-il indispensable d’éclairer les racines du passé ?

Pas pour tout le monde. Certaines personnes sont tellement blessées par le passé qu’il est indispensable de faire remonter à leur conscience les traumatismes inconscients, les douleurs qu’ils ont enfoui au plus profond de leur for intérieur, tant la souffrance était grande de laisser ces plaies « à l’air libre ». Pour d’autres, enfin, les racines du passé sont modestes et faibles, de sorte qu’elles ne peuvent plus priver le sujet d’être conscient au présent, lucide, et finalement libre des tendances comportementales enregistrées. Ceci ne veut pas dire qu’elles ne se manifestent jamais, mais qu’elles sont vues pour ce qu’elles sont. Ajoutons également que les souvenirs d’enfance ne vont pas disparaître ; simplement, ils seront vu comme les expériences impersonnelles de ce corps-ci, (le vôtre).

Comment savons-nous que nous faisons partie de ceux qui ont ou n’ont pas besoin de faire un travail sur l’inconscient ?

Dans la capacité d’être vigilant ou emporté par les émotions. Nous pouvons être emportés parce que nous ne maîtrisons pas ces émotions au départ, mais une fois prévenus, nous pouvons éviter d’être emporté. En revanche, nous sommes parfois emportés quoi que nous fassions, et là il faut bien reconnaître qu’un travail intérieur est utile, nécessaire, ou indispensable. Mais à quelque stade que nous nous situons, il ne faut pas perdre de vue que l’état sans dualité est présent dès le départ et que nous pourrons rien faire pour le faire apparaître. Cette constatation est fort utile pour accélérer l’épuration de la sphère émotionnelle, du mental affectif, car si nous pensons devoir travailler durant des années sur l’épuration intérieure, celle –ci pourrait effectivement durer très longtemps, alors que si nous gardons en ligne de mire l’insoupçonnable légèreté de l’état non-duel, celui-ci peut briser notre conditionnement à tout moment, et certainement pas au bout de décennies !

Journal de la non-dualité du 04/08/99, révisé le 10/11/2011 17:28:28