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Jean Klein : la Conscience et le Monde

2ème partie : transmettre la lumièreJean Klein.

 Jean Klein est sans doute l'un des sages qui parlent le mieux de la Non-Dualité. Tout est condensé là : dans ces quelques lignes extraites de la Conscience et le Monde.

Jean Klein : "La Conscience et le Monde" (ed. l'Originel)

Voilà résumé l'essentiel de l'enseignement en quelques pages :

Celui qui brûle de connaître sa vraie nature doit d'abord comprendre qu'il s'identifie par erreur aux objets : «je suis ceci», «je suis cela». Toute identification, tout état, est transitoire, par conséquent sans réalité. Identifier le «je » à ceci ou cela est la racine de l'ignorance. Demandez-vous ce qui est permanent au cours de toutes les phases de la vie. Vous découvrirez que la question : «qui suis-je?» n'a pas de réponse. Vous ne pouvez pas expérimenter ce qui est permanent dans une relation sujet/objet comme quelque chose de perceptible. Vous pouvez seulement formuler et expliquer ce que vous n'êtes pas. La continuité que fondamentalement vous êtes ne peut se traduire en mots ou se rationaliser. Être est non-duel, absolue présence sans éclipse, quelles que soient les circonstances.

Jean Klein sage non-dualiste français

Si nous considérons le connaisseur indépendamment du connu, il se révèle comme pur témoin. Quand connaissance et connaisseur ne font qu'un, il n'y a plus de place pour un témoin.  Toute imagination est irréelle, car basée sur la mémoire. Mais tout ce qui n'est pas anticipé, tout ce qui est inopiné, qui provoque la surprise, l'étonnement, provient de la réalité vivante. La recherche du plaisir naît de la souffrance, de la mémoire. Accueillez la vie comme elle se présente, ne mettez pas l'accent sur le monde mais changez votre attitude à son égard. Votre conception du monde, de la société, a sa source dans la croyance que vous êtes un ego séparé. Soyez votre totalité et le monde changera. Le monde n'est pas autre chose que vous. Le monde est en vous, la société commence avec VOUS.

Vous dites que nous ne devrions pas commencer par tenter de changer le monde mais notre attitude à son égard. Quand vous dites que l'existence est le film mais que nous ne sommes pas le film, entendez-vous par là que nous sommes la lumière qui éclaire le film? Oui. Vous ne pouvez changer le film parce que tous les efforts pour le modifier relèvent du film.

Vous identifier à votre corps et à votre personnalité vous bride, vous rend dépendant. Nos perceptions sensorielles reposent sur les constructions de la mémoire et impliquent un connaisseur. Nous devons étroitement examiner la nature du connaisseur. Cela requiert toute notre attention, tout notre amour. Ainsi vous découvrirez ce que réellement vous êtes. C'est l'unique sadhana. Se résorber dans la conscience de sa vraie nature est liberté. Notre vraie nature prend tout en charge.

Les images naissent et meurent dans le miroir de la conscience, et la mémoire crée l'illusion d'une continuité. La mémoire n'est qu'un mode de pensée, elle est purement transitoire. C'est sur ce fondement instable que nous construisons tout un monde de situations. Cette illusion fait obstacle à la claire vision.

Lutter pour nous améliorer ou pour progresser ne fait que rajouter à la confusion. Les apparences extérieures peuvent nous induire à croire que nous avons atteint un état de stabilité, que des changements ont survenu, que nous progressons et que nous sommes au seuil de la grâce. En fait, rien n'a changé. Nous n'avons fait que changer les meubles de place. Toute cette activité se déroule dans l'esprit, c'est le roman de notre imagination. 

Tout est beaucoup plus simple que cela. Pourquoi faire si compliqué? Ce que vous êtes fondamentalement est toujours là, dans sa globalité. Cela ne nécessite ni purification, ni changement. Pour votre vraie nature, il n'y a pas de ténèbres. Vous ne pouvez découvrir ou devenir la vérité car vous l'êtes. Il n'y a rien à faire pour vous en rapprocher, rien à apprendre. Rendez vous seulement compte que vous essayez constamment de vous éloigner de ce que vous êtes. Cessez de gaspiller votre temps et votre énergie dans des projections. Vivez cet arrêt sans paresse ni passivité, habitez pleinement la fraîcheur que vous trouverez en cessant d'espérer et d'anticiper. C'est aussi votre sadhana.

Il n'y a rien à perfectionner dans la réalité. Elle est perfection. Comment pourriez-vous vous en rapprocher davantage? Il n'y aucun moyen matériel pour l'atteindre.

N'est-ce pas fataliste de dire que nous ne pouvons changer le film?

Dire : fataliste implique que vous vous identifiez au film, que vous vous soumettez à lui. En fait, le film se déroule et vous êtes le spectateur. Être hors de l'écran vous donnera une nouvelle perspective sur ce qu'est réellement le film. A partir de cette vue globale qui n'est plus un point de vue, qui est hors du temps et de l'espace, tout se produit dans une absolue simultanéité. Aussi n'y a-t-il rien à changer.jklein

Pour revenir à ce dont nous parlions auparavant, vous avez dit que le monde change quand la perception que j'ai de lui change. Comment est-ce possible?

Celui qui a atteint sa pleine maturité, qui se connaît sciemment, ne se pliera pas nécessairement aux conventions sociales. Un tel être agira au bon moment, suivant ce que la situation indique, sans que personne ne soit lésé d'une quelconque façon. Si vos actes sont régis par vos désirs, vous n'avez aucune espèce de liberté. Par contre, si vous faites ce que réclame la situation, vous faites ce qui est juste, et vous et votre entourage êtes libres.

Un sage n'a pas la moindre pensée d'être une personne quand il agit, sent ou pense. L'ego est totalement absent. L'ego n'est rien de plus qu'une pensée et deux pensées ne peuvent cohabiter simultanément. Aussi l'identification à l'ego ne peut avoir lieu qu'une fois disparue la pensée rattachée à l'objet. C'est alors seulement que l'ego déclare sienne cette pensée. Ce sens de la propriété : «j'ai vu ceci », «j'ai fait cela », intervient après le fait et n'a rien à voir avec le fait. Une fois que ce mécanisme est clairement perçu, vous comprenez que l'identification que vous aviez précédemment prise pour une réalité n'est qu'une illusion. Vous n'êtes pas le propriétaire de la situation pas plus que vous n'en êtes l'esclave. Votre vraie nature est au delà. Le silence de la conscience n'est pas un état, c'est le continuum où tout état, toute chose apparaît et disparaît. Les mots que nous utilisons dans l'état de veille pour parler de ce non-état sont une expression de cette conscience. Quand nous vivons dans la conscience, tout est expression de cette conscience. 

Le monde que vous percevez n'est rien d'autre que leur roman de votre imagination, basé sur la mémoire, la peur, l'angoisse et le désir. Vous vous êtes retranché dans ce monde. Voyez cela sans vous jeter sur des conclusions et vous serez libre. Vous n'avez nul besoin de vous affranchir d'un monde qui n'existe que dans votre imagination.

Ce que vous prenez pour une réalité est simplement un concept surgi de votre mémoire. La mémoire surgit de l'esprit, l'esprit du témoin, le témoin de votre vraie nature. Vous êtes le témoin, le spectateur placé sur la rive et regardant le fleuve couler. Vous ne bougez pas, vous êtes au delà du changement, au delà du temps et de l'espace. Vous ne pouvez percevoir ce qui est permanent parce que vous l'êtes.

N'alimentez pas les concepts dont vous avez fait vos fortifications ou l'image que les gens ont de vous. Ne soyez ni personne ni rien, contentez-vous de rester à l'écart de ce que la société vous demande. Ne jouez pas son jeu. Cela vous établira dans votre autonomie.

L'exemple, si souvent utilisé dans le Vedanta, du serpent et de la corde, d'un côté se réfère au monde et, de l'autre, à la réalité ultime. Le serpent représente le monde des objets où nous rencontrons les personnalités, les pensées, et l'affectivité. La corde symbolise la réalité ultime, le silence de la conscience. Une fois que nous cessons de prendre la. corde pour le serpent, l'idée du serpent disparaît et nous voyons la corde pour ce qu'elle est réellement. Il est parfaitement naturel que l'erreur perde sa substance et se dissipe quand la vérité devient évidente. Étant donné qu'une pensée fait partie intégrante de l'illusion, il lui est impossible de nous révéler la réalité ultime. Le « fait-d'être », la toute présence, qui est la source de toute expérience, est au delà de la dualité expérimentateur/expérimenté. Quand l'accent se trouve sur la conscience et non sur la pensée ou sur la perception, nous entrons progressivement dans une détente profonde, à la fois sur le plan neuro-musculaire et sur le plan mental.

Si nous observons avec détachement l'apparition et la disparition de tous les états que nous expérimentons, nous parvenons bientôt à appréhender que chaque état, chaque perception, chaque pensée sont réabsorbés dans une connaissance informulée, une connaissance qui est l'être. Ce continuum, seule réalité, est là avant que ne commence l'activité. Immergez-vous dans cette tranquillité chaque fois qu'elle se fait sentir.

Vous ne pouvez vous attendre à ce que la réalité surgisse, car elle est toujours là. Les événements apparaissent et disparaissent. N'oubliez jamais le caractère fugitif de toute expérience, c'est tout ce que vous avez à faire et la porte de la grâce s'ouvrira devant vous. Dès que des opinions et des réactions telle que «j'aime, je n'aime pas», interfèrent, vous retombez dans une habitude subjective et vous tissez autour de vous un filet, vous perdez de vue votre vraie nature. Les sentiments de sympathie et d'antipathie vous font tourner le dos à votre vraie nature. Vos concepts de changement, de progrès, en mieux ou en pire, sont fragmentaires et subjectifs. Quand vous regarderez le monde depuis votre totalité, le monde changera en vous. Vous êtes le monde.

Est-ce que l'absence de pensée que j'expérimente dans la méditation est proche de ma vraie nature? Est-ce la tranquillité dont vous parlez ?

Dans ce que l'on nomme ordinairement la méditation, vous cherchez sciemment à vous débarrasser de toute intention et de tout concept. Ainsi vous vous trouvez devant un écran vide de pensées, qu'elles soient objectives ou subjectives. Ces pensées éliminées, d'autres, plus coriaces, apparaissent, vous envahissent sans discrimination, et elles aussi, vous les chassez. Il est vrai qu'au bout d'un certain temps de pratique, l'activité mentale diminue. Cependant, si le chercheur n'est pas guidé par un maître authentique, le vide de l'écran restera toujours un mystère. Le silence de la conscience dont nous parlons est au delà de la présence ou de l'absence des pensées et des mots, au delà de l'action ou de la non-action. Tout surgit de la tranquillité qui est au delà de l'esprit, de la tranquillité qui est au delà de l'effort de s'affranchir des pensées, et tout s'y résorbe. Rien, absolument rien, ne peut affecter cette tranquillité. Le savoir objectif nous parvient par l'instrument organique adéquat, mais le silence de la conscience ne requiert aucun instrument.

Est-ce que les conflits et les guerres sont inhérents à l'être humain ?  

Les conflits appartiennent à l'ego, pas à l'être humain. Dans votre vraie nature qui est unité aucun conflit n'est possible. Tension, rivalité, agressivité ne concernent que l'ego. Demandez-vous seulement à quel point vous êtes soumis à vos habitudes, à vos opinions qui sont la source de perpétuels conflits. Observez comment fonctionne votre esprit, observez-le sans idées préconçues. Un moment viendra où vous vous trouverez dans l'observation et non dans l'esprit. Puis, quand toute tension aura disparu, vous vous rendrez compte que vous êtes la lumière qui brille au-delà même de l'observateur. La réalité n'est ni un produit de l'esprit, ni le résultat d'une caravane de pensées, elle est, c'est tout. Vous devez comprendre que vous ne pouvez jamais trouver votre vraie nature dans une perception. La seule méthode que nous pouvons suggérer est d'observer sans analyse la façon dont votre esprit réagit dans les diverses circonstances de la vie quotidienne. Ne modifiez pas votre vie pour coïncider avec un concept. Vivez comme vous le faisiez, pensant et sentant, soyez simplement conscient que ce sont des fonctions. Ainsi vous vous en libérerez spontanément. Ensuite la personnalité que vous pensez être disparaîtra. Il ne restera que le témoin. Au terme, même lui se résorbera dans la connaissance ultime.

Ce qui surgit d'inattendu, d'impromptu, sans cause, libre de tout passé, ce qui surgit sans racines, ce qui ni ne s'épanouit ni ne se flétrit, ce qui est le plus naturel, libre de toute tension, c'est cela votre vraie nature.

TRANSMETTRE LA LUMIERE / retour

Transmettre la Lumière

Donc au moment où nous conceptualisons, nous commençons à perdre contact avec la réalité, est-ce cela que vous nous dites ?

Oui, vous êtes isolé et, je dirais, vous perdez le réel. Il n'y a pas de redite dans la vie, c'est nous qui lui surimposons des redites.

Alors que faire dans cette situation, se contenter de regarder les jeux de la pensée ?

Vous prendrez conscience des moments où votre environnement se rapporte à vous comme à une personne. Vous verrez que si la chose est satisfaisante et sûre pour vous, vous vous identifiez à elle. Mais si elle comporte une insécurité, alors vous la refoulez dans l'inconscient, vous l'écartez et vous vous dérobez. C'est généralement ainsi que les choses se passent. Aussi je dirais : penchez-vous sur la façon dont vous vous comportez dans la vie de tous les jours, explorez sans chercher à critiquer ou à justifier. Simplement prenez note; c'est suffisant. Au moment où vous notez que vous regardez toujours votre environnement du point de vue de votre personnalité, que c'est un fait, alors il se produit un arrêt. Voyez comment cette perception directe agit sur vous. C'est important. Vous le voyez, il y a un arrêt, et vous observez votre réaction. La totalité de votre organisme psychosomatique y participe.

Il est donc plus profitable d'observer sa personnalité que de s'acharner à l'anéantir ?

Absolument ! Mais cette façon d'observer n'a rien à voir avec la concentration, c'est simplement en être conscient.

Vous avez dit que lorsque certaines choses nous mettent dans un sentiment d'insécurité, nous les écartons. Alors, qu'arrive-t-il ? S'éloignent-elles réellement sans plus nous perturber ?

Vous ne pouvez jamais les évincer. En apparence, vous les évincez, mais vous ne pouvez le faire.

Alors où vont-elles ?

Il demeure en vous un résidu.

Quand j'essaie de méditer sans intention, cela me semble encore très proche de la rêverie; ma pensée ne fait que vagabonder et demeure collée à des choses très concrètes d'aujourd'hui, d'hier ou de demain. Aussi je me demande si vous avez une idée sur la façon d'éviter de se perdre dans les objets.

Je pense que lorsque vous commencez à méditer, vous devez parvenir à la conclusion qu'il n'y a personne pour méditer. Parce que l'être méditant est un concept, il relève de la pensée et il n'y a rien à méditer. Aussi, avec cette conclusion - qu'il n'y a personne pour méditer ni rien sur quoi méditer - immédiatement la méditation s'arrête. C'est uniquement là qu'il y a méditation ! C'est une chose.

La seconde est, avant que vous n'ayez un aperçu de ce que nous entendons par méditation - c'est-à-dire de ce que la méditation a lieu à chaque instant - vous découvrirez des moments, dans votre vie de tous les jours, où il n'y a rien à faire, rien à obtenir, rien à penser, des moments de complète vacuité. Vous connaissez ces moments, mais comme vous vous connaissez seulement en relation avec des situations, vous prenez ces moments pour une absence d'activité. Mais la pensée devrait savoir que ces moments sont la réalité, l'arrière-plan de toute perception. Quand vous avez un aperçu, de temps à autre, de ces moments, vous pouvez être invité à vous asseoir et guetter en quelque sorte un nouvel aperçu.

C'est le second point, et le troisième est que vous restez simplement assis à vous libérer de tous les concepts. Vous pouvez vous libérer de tous les concepts au moment où vous dirigez votre attention sur la perception, sur ce qui est perçu. Et ensuite vous regardez votre corps, vous écoutez votre corps. Quand vous écoutez votre corps, vous pouvez faire de nombreuses découvertes, mais votre écoute deviendra de plus en plus silencieuse, libre de toute finalité. Ainsi, quand le corps aura livré, à un certain degré, son secret, vous vous percevrez dans cette écoute; vous écouterez l'écoute, et il se produira un changement dans l'écoute parce que vous ne mettrez plus l'accent sur ce qui est écouté, mais vous écouterez l'écoute elle-même. L'écoute devient sa propre perception sans personne pour percevoir, c'est cela la méditation. Ainsi vous disposez de trois approches de la méditation. Donnez-vous à elle aussi le soir avant de vous endormir : le loyer est payé, vous n'avez pas faim, tout est fini, vous êtes libéré de toute tâche; alors il y a un moment où vous pouvez sentir cette liberté. Le soir avant de vous endormir est réellement un très bon moment, parce qu'il est facile de lâcher prise. En ce sens vous apprenez à lâcher prise, à être totalement «nu», de sorte que seul demeure le «  Je suis ». Alors le réveil le lendemain matin est différent; vous pouvez avoir un aperçu de l'état d'éveil avant que le corps lui-même ne se réveille. Un jour, le corps disparaîtra pour toujours mais le «Je suis» ne disparaît jamais; le « Je suis» est. Quand vous avez réellement découvert le «Je suis», le problème de la mort cesse définitivement de surgir; il ne parvient même pas à votre pensée.

Dr Klein, vous avez utilisé le terme «d'invitation» dans notre vie quotidienne, et je souhaite savoir la nature de la personne ou la qualité de l'invitant.

Votre vraie nature est en attente de cette invitation, aussi l'invitation ne peut-elle provenir que de votre vraie nature.

Il y a une différence néanmoins, entre un entracte dans son activité lorsqu'il n'y a rien qui exige d'être accompli, et un arrêt dont on veut tirer bénéfice. L'invitation peut-elle survenir quand on est très occupé ?

Quand vous avez eu une fois un aperçu de ce que fondamentalement vous êtes, l'invitation est plus forte que toutes les activités. Quand vous posez la question profondément, elle vous apporte la réponse parce que la question elle-même est la réponse. Cette découverte n'a rien à voir avec le temps. Deux minutes peuvent s'écouler à votre montre, mais le moment lui-même est intemporel. Ce qui est important est que toutes vos activités soient au repos dans ce silence; c'est alors que vous n'êtes pas psychologiquement impliqué dans votre fonctionnement. Il est important que vous n'ayez pas l'idée que vous êtes un acteur, un penseur. Il y a la pensée, il y a le fonctionnement, mais il n'y a aucune entité qui soit à l'oeuvre. Ainsi vous êtes complètement libre de toute implication psychologique.

Ainsi cela se fait sans choix ?

Oui, parce qu'il n'y a pas d'entité pour choisir.

Par les temps qui courent, de nombreux couples ne demeurent pas ensemble, comment peut-on trouver le bon partenaire sans choisir ? (Rire)

En un certain sens, vu de très haut, quand vous êtes ouvert, sans idées préconçues, le bon partenaire vient à vous, parce qu'il n'y a pas d'accident. Mais concrètement parlant (Rire), si vous aimez la poésie, la littérature, la musique, vous pénétrez dans des cercles où les gens aiment ce qui est beau. Il est très important que vous circuliez dans ces cercles où la beauté existe, car la beauté est une expression du non-état le plus haut. Vous ne pouvez trouver la beauté dans les bars ou dans la rue, mais vous la trouverez dans un certain milieu ! Aussi je suis sûr que si vous avez le sentiment d'être un bel être humain, vous rencontrerez aussi un être humain qui sera beau.

Mais est-il juste d'espérer qu'un autre bel être humain demeure avec vous ? Parce qu'alors on peut dire : maintenant tu es mienne et tu as à rester avec moi !

C'est uniquement la beauté et l'amour qui maintiennent un couple uni. Quand il n'y a pas cette beauté et cet amour, ce n'est qu'une relation d'objet à objet mâle, femelle - et il arrive un moment où la femelle est à bout, où le mâle est à bout, et il y a séparation. Mais quand vous vivez dans la beauté et l'amour, il y a transformation permanente.

Mais quand on vit dans la beauté et l'amour, on ne devrait pas, il me semble, se soucier qu'une personne demeure ou non avec soi ? Est-ce seulement dans une relation illusoire que nous attendons que notre partenaire demeure avec nous ?

Dans une relation d'objet à objet, il n'y a que demande. Ce qui est don, en apparence, est aussi une demande, parce que le don est fait dans la perspective d'un gain; mais quand il y a amour, il y a une non-relation, et c'est alors qu'il y a seulement don. Quand il y a une relation d'objet à objet, tôt ou tard on est épuisé, en raison de ce don apparent et de l'attente d'un gain, et tout s'achève.

Quelquefois il se produit une vision globale soudaine qui est pure, fraîche, mais à ce moment-là, la pensée entre en action et c'est perdu...

Quand vous voyez réellement les faits autour de vous, il se produit une aperception, une vision globale soudaine, que vous devez suivre et préserver soigneusement. L'action, alors, survient spontanément. Gardez cette vision globale soudaine pour vous; elle doit se traduire dans l'espace et le temps. Cela prend du temps, mais vous devez la préserver soigneusement. Si vous ne le faites pas, quand vous la traduirez dans l'espace et le temps, vous la perdrez.

Comment la préserver soigneusement ?

Vous la regardez, vous demeurez fidèle au sentiment que vous en avez. C'est quand elle passe par la pensée discursive que vous commencez un processus de négoce. Ne marchandez pas avec votre aperception !

Mais cette fraîcheur, peut-elle se perdre pour toujours ?

Je ne pense pas, mais revenez au premier éclair. Vous ne devez pas le questionner. Pour matérialiser cette vision globale soudaine, vous devez, bien sûr, connaître votre capital - intellectuel, psychologique, vital - et ensuite votre intelligence peut clairement fonctionner.

D'après ce que vous dites, il semble que cette vision globale soudaine soit si importante qu'il est indispensable qu'elle ait lieu avant qu'aucune action ne se déroule.

Cela dépend de ce que vous avez compris par vision globale soudaine.

Etre ouvert à une situation avec le coeur, avec une connaissance de ce qui est et de ce qui doit advenir

Oui. Quand il y a une juste observation de la situation, l'action surgit instantanément et elle est alors réellement créatrice. Sinon, ce n'est plus ou moins qu'une réaction.

La vision globale soudaine nous donne-t-elle une juste observation ?

Je dirais que la vision globale soudaine provient de la situation elle-même, d'une juste observation - une attention sans choix. C'est l'art de vivre dans la non-connaissance, de vivre réellement dans l'ouverture. Quand vous vivez dans l'ouverture, votre intelligence la plus haute est à l'oeuvre, et votre personnalité fonctionne de façon complètement différente, parce que dans cette ouverture la totalité de votre être agit avec la sensibilité la plus fine. Dans cette ouverture, il y a une sécurité absolue mais naturellement l'ego se sent dans une insécurité absolue.

Quand je regarde le corps humain, je vois un splendide exemple de haute technologie mécanique et physiologique, et cependant au cours de mon travail de physiothérapeute, je vois des corps qui sont incroyablement lésés d'un point de vue psychologique. J'observe aussi beaucoup d'exemples de ce que je crois être des cas de cancer ayant une origine psychologique liée à l'attitude du patient à l'égard de la vie telle qu'elle a été formulée depuis de nombreuses années, la part psychologique ayant un effet prépondérant sur la part physiologique. Est-il possible pour nous êtres humains, qu'une meilleure connaissance psychologique nous permette d'éliminer une seule grande cause de malaise, par conséquent de maladie, dans l'humanité ?

Toute maladie est une réaction, aussi est-il important pour le patient de commencer par accepter la maladie, non comme un concept, mais comme une perception. En acceptant la maladie, vous ne l'alimentez plus. Accepter organiquement la maladie et vivre avec elle est la seule façon de la soigner. Le médecin aide le processus de guérison, et jusqu'à un certain âge le corps possède encore une mémoire de la santé, parce que nous sommes nés avec la santé. Aussi, du point de vue de mon expérience, on doit montrer au patient comment apprendre à vivre avec le problème du cancer, c'est la seule façon.

Donc, la meilleure cure pour eux est d'accepter totalement le fait et de ne pas chercher à s'y dérober ?

Absolument, absolument, mais pas de manière fataliste. Acceptez les symptômes, mais pas l'idée, pas le mot. Ne le nommez pas «cancer». Il s'est tenu une vaste conférence à Chicago, il y a plusieurs années, à propos du mutisme que l'on doit garder à l'égard d'un malade, faut-il ou non l'informer de ce dont il souffre. A peu près 72 % des médecins inclinaient à dire la vérité au patient, le reste affirmait : ne le dites pas. Selon moi on ne doit pas nommer la maladie parce que le nom est déjà si conditionné par la radio, la télévision et tous les journaux que le mot même de « cancer» entrave la guérison.

Vous devez l'aimer, c'est tout. Quand vous l'aimez réellement, vous trouvez le moyen de l'affronter. Il doit se produire une certaine coopération. D'après mon expérience, vous devez toujours aller du général au particulier, vous ne devez jamais aller du particulier au général ; c'est l'approche d'Hippocrate, du général au particulier. Cela veut dire que vous devez faire face à la totalité de votre corps, tout autant psychologiquement que biologiquement, parce que la nourriture et toutes sortes de choses jouent un rôle très important.

Que suggérez-vous de faire devant la peur de la maladie ?

La peur est dans notre pensée. Le mot peur a un impact très puissant dans le corps-pensée. Aussi, je dirais:vivez avec cet impact dans votre corps-pensée; voyez-le depuis votre globalité, écoutez-le, c'est de l'énergie comprimée. Sinon, vous vous identifiez à lui et vous le créez.

Et quand vous vivez avec cet impact et que vous voyez véritablement la peur, est-ce que cela remédie à l'effet ?

Il n'y a pas une seule et unique cause, il y a beaucoup, beaucoup de causes. Quand vous avez peur, avez-vous regardé votre visage dans un miroir ? Quand vous êtes angoissé, vous êtes-vous regardé dans un miroir ?