Nannini : « il n’y a que l’amour »

Nanini : il n’y a que l’amour

« il n’y a que l’Amour. Et tout ce qui n’apparaît pas en tant qu’Amour, n’est qu’un appel déguisé pour l’Amour. »
(je ne me souviens plus de qui est cette phrase : Ibn Arabi, je crois)
 
Il y a mille façons d’aimer sous condition, il n’y en a qu’une façon d’aimer sans condition.
– Il y a l’amour “je t’aime si…. » même si ce « si » que nous rajoutons souvent à l’amour que nous donnons, nous en sommes inconscients ! Cet amour est déjà certes un espace de tolérance. Il n’en reste cependant pas moins limité à des besoins fondamentaux non avoués, les plus cachés en nous, de pouvoir ou de reconnaissance par exemple….ou autre. C’est l’amour qui relie deux « individus » en couple.
Sa formule « mathématique » pourrait bien être 1+1=2 Cet amour là implique nécessairement une confrontation (un face à face) même si elle n’apparaît pas évidente.
-Et il y a l’amour « sans si », sans condition qui accueille tout sans aucune discrimination, ni concession ni compromission. Cet Amour est un espace de tolérance absolue, dépouillé de toute mémoire, de toute attente, de toute anticipation et de tout jugement. c’est « l’amour-communion ». Il implique que « je» disparaisse POUR « l’autre ».
Sa formule « mathématique » pourrait bien être 0+1=1 où le (0) symbolise la Vacuité de l’ÊTRE que nous sommes (une Vacuité créatrice D’Où tout surgit) et où le (1) représente « ses choses » (le contenu, les créations, les créatures, ce que nous appelons la réalité). Comme le montre la formule, les deux ne font qu’UN. La fusion (un face à Espace) n’est possible que dans la mesure où ici (l’ÊTRE) la place est vacante et qu’il n’y a plus « personne »  qui empêche d’accueillir totalement l’autre.
 
Lequel mérite véritablement que nous l’appelions « amour » ? Celui qui ménage nos besoins fondamentaux avec ceux de l’autre ou celui où nous disparaissons véritablement pour l’autre. Cette deuxième manière d’aimer se cultive sur le terreau de l’ÊTRE (Conscience sans contenu, non-duelle)
 
Aimer (vraiment) c’est ÊTRE (sans attribut) et ÊTRE c’est aimer.
Les deux, aimer et ÊTRE, impliquent une ouverture totale à « l’autre ». Cette qualité d’ouverture implique que « je » disparaisse pour que « l’autre » puisse occuper tout l’Espace. La pratique quotidienne de la Vision Sans Tête, transmise par D.Harding, m’amène à penser que la seule façon d’aimer vraiment est de disparaître pour l’autre, mais sans le vouloir, pour ne pas tomber dans le piège du premier aspect « je t’aime …si ».
Cette condition est remplie automatiquement dès lors que je vois « CE que je suis vraiment », par dessus mes épaules!
L’amour jaillit alors spontanément sans que l’on y pense, et sans gloire surtout, quand nous sommes simplement CE que nous sommes, grands ouverts à tout ce qui arrive, sans « personne » interposée. À l’écoute totale de l’autre. L’amour n’est pas autre chose, à mon sens, que cette ouverture instantanée bienveillante ou cette Présence Essentielle non personnifiée.
L’éveil n’est pour moi que la prise de conscience que cet Espace d’Amour tel que je peux le découvrir au coeur de moi même, est ma véritable nature, quel que soit ‘l’état amoureux’ du ‘gérard’, souvent misérable, mesquin, ou mercantile (je te donne si tu me donnes!).
Nous sommes fondamentalement, « en essence », cet Amour inconditionnel, que nous transformons rapidement « en naissance »  en amour conditionnel. Tout ce que nous pouvons faire pour qu’il puisse s’exercer dans nos vies c’est offrir aux autres et à soi même cet Espace infini d’accueil et de changement pour tout, sans condition en contre partie.
J’ai compris et accepté que pour que cet Amour puisse se produire, il n’était pas nécessaire d’être un saint, un savant, un philosophe ou un grand sage mais qu’il suffisait de voir sa propre « absence de tête », et de laisser persister ce regard.
L’Amour est donc toujours présent, seulement, nous n’en sommes vraiment conscients que dans ces instants d’éveil à notre vraie nature. La qualité de notre communication avec « l’autre ou le monde » va dépendre de « CE » à partir de quoi nous les regardons. Le mode « face à face » est une confrontation (même au meilleur!), le mode « face à Espace »une communion (même au pire!).
Ce qui fera la différence entre ces deux façons d’aimer c’est que dans le mode « face à Espace » je disparais vraiment pour l’autre ainsi accueilli tel qu’il est, quel que soit mon sentiment.
 
L’amour sans condition est un état d’attention totale à l’autre dans lequel le « moi » est absent.
Cet « abandon de soi » n’est pas voulu. Il apparaît spontanément quand je vois mon « absence de tête ». « je » disparais et l’autre occupe l’Espace que « JE » suis. En fait je dirais plutôt qu’entre l’instant où le « je » disparaît et celui où le « JE » accueille tout sans distinction, ce « je » change de nature. De personnelle et séparée, elle devient universelle et non-duelle, une avec le tout.
Le corps que j’ai (et que je ne suis pas) est alors totalement immergé avec tout ce qui existe (la réalité), dans la clarté, le silence et l’énergie d’une Présence Essentielle et anonyme.
La disponibilité complète que cela génère en nous est visible : l’humeur est sereine, l’esprit est clair, le corps est détendu. Et Il en reste toujours un sentiment de plénitude, un intense sentiment d’unité avec tout.
C’est un vrai lâcher prise qui permet à la compassion de s’exercer.
 
L’amour sans condition dont je parle s’accompagne de ce silence « mental ».
Le moindre bruit qui vient alors le rompre, du genre <c’est pour ton bien que je fais cela……> ou encore < je t’aime sans condition> et en général tout autre « à propos » , quel qu’il soit, sur cet insaisissable que nous voulons saisir, c’est le « mental » qui revient au galop, qui pose déjà ses conditions et nous éloigne de cet Amour!
Quoiqu’il en soit, même dans ce cas, nous pouvons voir cela comme « un appel déguisé pour l’Amour »
Gérard Nannini