Cela fait des années que ma réflexion s’est tournée vers la psychanalyse. Freud. Jung. Moins, Lacan. Les psychologies new age : transpersonnelles… Au fil de mon observation, de ces lectures, ces approfondissements, la nécessité d’une révision en profondeur des fondements de la psychanalyse freudienne a émergé. Sont donc ici regroupées des réflexions diverses sur ce sujet passionnant.
Tout d’abord, faisons table rase des concepts freudiens qui n’ont pas validé leur universalité. Complexe d’Oedipe. Pour le petit garçon, désir refoulé de coucher avec Maman…. Désir non moins refoulé de tuer Papa… On peut considérer ces concepts comme des singularités de certains esprits, des cas particuliers qui ne peuvent prétendre à l’universalité. Vous en avez conscience ? Freud avait raison ! Vous n’en avez pas conscience ? c’est le refoulement, Freud avait raison ! Au delà de ces joutes de raisonnement ne pourrions-nous pas redécouvrir ce qui pourrait fonder une neopsychanalyse « post-freudienne » ?
1. L’inconscient
Le concept d’inconscient est démontré par la neurophysiologie moderne. L’inconscient est ce qui permet aux fonctionnements neuronaux complexes d’économiser de l’énergie. Ce n’est donc pas le refoulement qui créé l’inconscient. Le refoulement n’est qu’un cas particulier qui témoigne de la façon dont certains esprits atténuent leur souffrance, leur tension intérieure.
L’inconscient permet aussi d’apprendre de nombreux automatismes comme marcher, manger, tenir un objet sans avoir à se concentrer sur le geste, mais sur sa finalité. Économie de fonction neuronale, là encore. Dans les arts, le geste technique est répété encore et encore jusqu’à son automisation optimale. Alors on peut porter son attention sur la modulation du geste, l’expression artistique apparaît alors.
Votre pensée n’échappe pas à ces automatismes, bien au contraire. Il convient alors de moduler l’automatisme afin que la pensée ne soit pas excessivement conditionnée. Beaucoup ne s’en rendent pas compte. Seule une vigilance de tous les instants permet d’échapper à ce conditionnement des automatismes de la pensée. On pourrait parler des biais cognitifs, à ce moment-ci. Mais avant d’approfondir ces aspects avançons sur notre plan général.
2. L’élan vital
Freud a défini la nature de l’élan vital comme énergie sexuelle. C’est excessif. Toutes les preuves qui montrent que l’élan vital utilise des canaux variés pour se réaliser ne peuvent être qualifiées de sublimations libidinales, c’est très réducteur. Il est vrai en revanche que la sexualité en constitue pendant l’âge de la vie sexuelle une composante importante, peut être même déterminante, chez beaucoup d’individus. Nous considérons que l’élan vital est la résultante de l’activité neuronale prise dans son ensemble. Comme le faon , quelques minutes après sa naissance se met à marcher automatiquement. Truisme ? Pas seulement. La référence à la neurophysiologie nous semble utile pour consolider des descriptions de fonction complexe comme la pensée humaine, consciente et inconsciente. L’élan vital est-il la recherche du plaisir ? En partie. Comment ? Nous y reviendrons. Recherche du bonheur ? C’est plus large déjà comme conception. Nous pensons que plaisir et bonheur sont quelques uns des étages qui se superposent à l’élan vital basique. Comme son nom l’indique, l’élan vital, cherche avant toute autre chose la vie et la prolongation de la vie. La recherche de nourriture, d’où la défense de notre espace vital, la prolongation de notre espèce, d’où la sexualité. Mais on sent bien qu’en profondeur l’élan vital vise une source plus profonde, spirituelle, une recherche de l’Être… on rejoindrait là les hindous qui disent que la matière est habitée par une énergie inconsciente qui, à travers l’évolution biologique cherche à retourner à sa source la conscience absolue. C’est intéressant comme approche parce que ça permet de donner à l’homme un sens à sa vie, un sens sublime.
L’élan vital, comme résultante de l’activité neuronale « basique », le bruit de fond cérébral peut se concevoir comme peu différencié. Assez mécanique, mais une nanomécanique biochimique. Plaisir et bonheur sont assez différenciés, évolués, déjà. Visant des objectifs eux-mêmes assez précis. L’élan vital basique rejoint l’être au monde du nouveau-né, et sa conscience foncière.
3. La conscience foncière
La conscience est en général appréhendée en activité soutenue. Autrement dit, il y a la conscience et le contenu de la conscience, les pensées, les émotions, les sensations . Quel est-il, ce contenant, cette conscience ? Que pouvons-nous en dire? Qu’il EST. Après qu’il soit, on constate qu’il soutient la reconnaissance des objets. La présence, la présence qui semble se saisir des objets constitue notre conscience relative, reliée à ces objets, notre conscience fonctionnelle .
Si nous laissons la conscience perdre sa fonction reliante, nous goûtons la présence. La pure conscience isolée est êtreté. Il se trouve que la pure conscience peut aussi demeurer au contact des objets sans les différencier et ainsi les refléter tous, en fusion sujet objet. Ce sentiment de fusion, de globalisation du vécu fait émerger un sentiment de complétude, de perfection, de transcendance qui vire en extase. Sa version plus sociable, tranquille est l’état naturel où chacun goûte son unité avec le tout en restant capable de différencier les objets à fin fonctionnelle et adaptative. L’habitude mentale ramène souvent à une conscience plus restrictive. Mais bon, le chemin de l’unité est connu. On a compris que notre état naturel est celui qui consomme le moins d’énergie et c’est peut-être à ce titre que tous, nous irons vers sa réalisation, au plus tard à notre décès. Notre conscience relative est plus active , en comparaison. Savez-vous qu’un mouvement neuronal sensoriel de reconnaissance et d’identification visuelle d’un objet précis, en mouvement ou pas, est aussi actif qu’un mouvement musculaire, qu’un geste de notre bras, de notre corps entier? Aussi peut-on conclure que la conscience quand elle est au repos complet, donc sans fonction de reconnaissance sensorielle, retourne à son état basique d’être indéterminé. Si nous observons avec finesse, ce qui se passe en nous, alors que nous regardons dans le vague, sans fixer notre attention sur un objet précis, nous constatons que, naturellement, nous avons tendance à nous fondre à l’environnement, à faire un avec tout ce qui nous apparaît. Si un chat est sous notre regard, « lové sur le sofa », on se rend compte que c’est la même vie qui palpite en lui et en nous, une même énergie qui respire. C’est une bonne façon de saisir l’unité de l’énergie vitale, dans sa dimension supra-individuelle, la shakti en déploiement, comme disent les védantistes.
Mais revenons à notre conscience foncière, qui est celle du nouveau-né. Redevenez pareil à de petits-enfants, disait le Christ. Parlait-il de cette conscience foncière du nourrisson qui n’a pas encore construit une représentation du monde cloisonnée, catégorisée, limitée et comparative? J’aurais tendance à le croire. Ce dénuement de la conscience ouvre en effet la porte à la profondeur du monde, à la communion avec le tout, un tout qui nous donne le sentiment d’avoir touché enfin le Vrai, le Parfait, le Divin, dans lequel nous n’avons pas la station d’une conscience en retrait, mais au contraire d’être tout ce qui est.
Également un sentiment de repos parfait, d’être exactement là où nous devons être, d’ailleurs presque non localisé à ce moment là, parce que nous partageons l’équilibre de tout ce que nous avons dans notre champ visuel, avec la nature, avec la vie-même, et au-delà même, avec la présence qui imprègne et soutient tout cela.
Nous voyons que nous sommes loin de la conception de la psychologie universitaire! Et pourtant l’homme est enraciné dans cette conscience foncière qu’il le sache ou non. Et donc, une approche thérapeutique devra englober cela, sous peine de rester à la surface de la causalité du mal, du déséquilibre de la santé mentale.
Bon, nous y sommes : que faisons-nous maintenant avec ces notions pour appliquer notre psychothérapie aux patients? Ne faut-il pas que nous soyons nous-mêmes ancrés en cet état foncier pour orchestrer les tensions du patient depuis ce champ privilégié? Oui, bien sûr. Ou au moins en être un familier pratiquant. Car alors nous pouvons être dans l’ouverture, l’accueil bienveillant du discours et des attitudes de nos patients, propre à les aider à se situer hors de l’arène intérieure. Dans cet communion non-verbale, cette empathie totale, peut naître le « oui à ce qui est » dans la tête du sujet. Cette qualité d’être est précieuse pour celui qui souffre afin d’accueillir son vécu avec neutralité, historiquement.